Oui. Je vis avec l’Alzheimer. Laissez-moi vous aider à comprendre: Robin Barrett


Robin Barrett vit à Ottawa, en Ontario, où elle aide son mari, Keith, qui a reçu un diagnostic de maladie d’Alzheimer en 2016.

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Mon mari, Keith a reçu un diagnostic de troubles cognitifs à début précoce, et probablement de la maladie d’Alzheimer en décembre 2016 à 57 ans… à l’issue de deux années et demie de consultations avec divers spécialistes. À un certain moment, il avait consulté 6 neurologues différents.

Keith et moi sommes ensemble depuis 2004 et nous nous sommes mariés en juin 2016. Nous sommes partis en douce à la Nouvelle- Orléans. C’était magique. Nous avons une famille recomposée de 6 enfants (tous adultes maintenant) et 5 petits-enfants. Je ne puis vous dire combien je chéris mon union avec Keith. Il est bon, généreux, créatif et travaille dur. Pendant ces 15 dernières années, nous étions là l’un pour l’autre et nous prévoyons de continuer dans cette voie. Nous sommes dans cette situation tous les deux.

Être « un aidant » 

Il m’est difficile de prononcer les mots « prendre soin de » ou « aidant », car je n’ai pas l’impression de faire quoi que ce soit de différent maintenant que Keith est atteint d’une maladie cognitive. Cela ne signifie pas que je ne dois pas l’aider pour certaines choses, mais je crois que ces mots ne me parlent pas. J’ai des difficultés à comprendre ou à accepter le fait qu’un diagnostic transforme maintenant mon rôle de « femme et partenaire » en celui d’« aidante ». Nous avons toujours été là l’un pour l’autre et chacun a eu besoin d’aide à un moment ou l’autre. Lorsque je me présente ou qu’il me présente, il me présente comme sa femme.

Réactions

J’ai remarqué des changements dans le comportement et la mémoire de Keith environ 3 ans avant qu’il ne passe des examens et reçoive son diagnostic. J’essayais de lui en parler. Au début, les changements étaient très subtils, à peine perceptibles.

Étant sa femme, être témoin de tout ce qu’il a traversé, des examens à l’annonce du diagnostic, m’a brisé le cœur. Je crois que je me suis d’abord sentie comme paralysée ; puis, j’étais un peu soulagée de savoir ce à quoi nous avions affaire après 2 ans de consultations avec les médecins.

Même si j’avais observé les changements qui s’opéraient lentement chez lui au fil des ans (et même si je savais ce qu’ils allaient indiquer), j’espérais au fond de moi qu’il s’agirait d’autre chose.

La personne qui nous a annoncé la nouvelle était très gentille et a fait preuve de beaucoup de compassion : c’était la neuropsychologue qui avait mené les examens. Elle nous a avertis que la lecture du rapport clinique serait difficile. On a conseillé à Keith de se rendre dans une Clinique de la mémoire, de préparer ses affaires, de ne pas s’occuper de chiffres ni de la partie financière de son travail et de prévoir sa retraite. Keith et moi avons discuté beaucoup au sujet de ce qu’avaient dit les médecins et de ne pas faire certains des changements qu’ils avaient suggérés; qu’il devrait continuer à travailler et maintenir une routine.

Annoncer la nouvelle à la famille 

Notre famille nous soutient et est là pour nous. Certains membres de la famille essaient encore de se faire à l’idée. Parfois, on versait des larmes de tristesse et nous savons que c’est plus difficile pour certains de nos enfants que pour d’autres. La première année qui a suivi le diagnostic, nous avons participé à notre Marche pour l’Alzheimer locale et nous avons constitué une grande équipe (la famille, les collègues, les amis, les enfants et nos petits-enfants). Je suis très fière de la patience de notre famille. Ceci étant dit, Keith trouve que les réunions où il y a beaucoup de monde sont plus difficiles à supporter. C’est pourquoi nous ne sommes plus aussi présents aux événements familiaux depuis quelques années. CERTAINES personnes comprennent et, pour d’autres, cela aide d’ajouter une certaine distance également..

Les réactions des gens et affronter la stigmatisation 

Nous avons reçu beaucoup de soutien de la part de certaines personnes, mais d’autres ont pris leurs distances. Le cercle se restreint, mais pour de nombreuses raisons.

La plupart des gens expliquent qu’ils ne comprennent pas comment cela se passe chez une personne plus jeune, ou elles mentionnent souvent avoir eu un grand-parent atteint de la maladie d’Alzheimer. Certains ont demandé pourquoi il conduisait encore ou combien de temps il pourrait encore travailler.

Pour être franche, la plupart des gens ne savent pas comment réagir, ou ils ne peuvent pas voir les changements qu’il ressent ou voit. Les gens semblent vouloir minimiser les symptômes ou les normaliser. Je vois que nos amis ou membres de la famille ne se sentent pas à l’aise lorsque Keith décrit ses combats ou comment il ressent les choses. La première réaction des gens est souvent un choc, ou ils sont désolés pour lui, pour nous. Nous répondons tous les deux que « ça va ».

La plupart du temps, je remarque que les gens se sentent désolés pour nous, comme s’il nous était impossible de profiter des choses de la vie. Bien sûr, certaines choses sont différentes et nous craignons ou faisons attention à ce que nous réserve l’avenir… mais nous essayons d’en profiter comme nous le pouvons.

Récemment, Keith et moi nous sommes fait faire un tatouage de Dory — le poisson dans le film Le monde de Némo — qui a des problèmes de mémoire. Nous avons pris cette décision, pour que lorsque quelqu’un nous en parle, on peut le sensibiliser et lui dire qu’il est possible de vivre avec une maladie cognitive. Expliquer la maladie aux gens aide à les sensibiliser et à atténuer la stigmatisation.

Le système de soins de santé

En tant que femme, ce fut pour moi la partie la plus difficile. De manière générale, je dirais que parfois, on ne prêtait pas attention à nos préoccupations à cause de son âge ou de ses capacités. Nous sommes tous les deux très indépendants sous de nombreux aspects, même si, dans la vie, nous sommes très partenaires.

Je crois que parce qu’il paraît très compétent aux yeux des autres (et il l’est), ils ne remarquent pas souvent les changements qui s’opèrent en lui. On dirait que les professionnels de la santé sont réfractaires à l’idée de rendre leur diagnostic. Je peux comprendre leurs raisons, mais nous devons nous améliorer. Je sais que c’est difficile d’annoncer cette nouvelle à quelqu’un et que le processus consiste actuellement à exclure toutes les autres possibilités. Lors d’un rendez-vous chez un médecin, je me souviens que Keith lui a dit qu’il était nécessaire de trouver une meilleure façon de diagnostiquer la maladie d’Alzheimer.

Voici mes conseils pour vous aider à comprendre

  • Rendez les entreprises plus inclusives à l’égard des personnes atteintes d’une maladie cognitive. Dans les cafés, ayez des membres du personnel qui ne les brusquent pas, ou ouvrez des files réservées aux personnes atteintes d’une maladie cognitive. Soyez patient et faites attention aux signaux qui vous sont envoyés.
  • Assurez-vous de les inclure dans la conversation et demandez-leur ce qu’elles veulent. Ne supposez pas que si la personne est atteinte d’une maladie cognitive, elle n’a rien à offrir. Posez-leur des questions… et adressez-vous moins à leurs partenaires de soins.
  • Sachez qu’il existe des personnes atteintes d’une maladie cognitive de moins de 65 ans. Ces personnes ont des besoins différents de ceux des personnes plus âgées.
  • Lorsque je pense à la stigmatisation, je me souviens de cette citation : « Lorsque vous avez rencontré une personne atteinte d’une maladie cognitive, vous n’en avez rencontré qu’une. » Elle représente bien plus qu’un diagnostic, qu’un diagramme, ou qu’une étiquette accrochée à un fauteuil roulant, ou à une porte dans un foyer de soins. Ce ne sont pas des personnes que vous pouvez rassembler de la même manière que vous le feriez pour des objets qui trainent chez vous. Ce sont des êtres humains qui ont encore besoin d’amour et de respect et qui donnent encore de l’amour et de la joie en retour. Incluons-les dans leurs soins.
  • Je ne suis pas une « aidante » tout simplement parce que mon mari est atteint de la maladie d’Alzheimer ou d’une autre maladie cognitive. Sachez que lorsque nous avons pris l’engagement de nous unir, nous avons aussi pris l’engagement de nous soutenir l’un et l’autre. Mon rôle ne change pas à cause d’un diagnostic. Pendant des années, nous avons pris soin l’un de l’autre… et nous prévoyons de continuer à le faire.

Rendez-vous à jevisaveclalzheimer.ca pour lire plus d’histoires de personnes comme Robin et en apprendre davantage sur le Mois de la sensibilisation à la maladie d’Alzheimer.