Rencontre avec nos chercheurs : Tamara Sussman, Université McGill
Tamara Sussman, professeure associée à l’École de travail social de l’Université McGill University, discute de sa recherche sur la planification préalable des soins chez les personnes atteintes d’une maladie cognitive.
J’ai une longue histoire professionnelle et personnelle avec les personnes atteintes d’une maladie cognitive. Ma mère était travailleuse sociale en gérontologie. Elle me racontait quelques-unes des luttes auxquelles ces personnes devaient faire face, y compris leur sentiment d’isolement, de solitude et d’incompréhension. Suivant son exemple, je suis également devenue travailleuse sociale auprès d’adultes plus âgés et j’ai commencé à entendre directement ces mêmes histoires. À mesure que je les écoutais, je me suis rendu compte que de nombreux défis auxquels les personnes atteintes d’une maladie cognitive devaient faire face étaient créés par notre société. Par exemple, leur isolement semblait directement lié à nos tendances à  parler d’elles plutôt que de nos tendances à  leur parler et à parler avec elles.
Je savais que si la vie des personnes atteintes d’une maladie cognitive devait s’améliorer, il fallait commencer à nous demander ce que nous, en tant que professionnels, chercheurs, membres de familles et citoyens, faisions pour les inclure dans les décisions qui touchaient directement leur vie.
Les soins en fin de vie est un domaine nécessitant beaucoup d’améliorations. Puisque la mort est, pour nous, un sujet tabou, les soins en fin de vie sont un sujet que les personnes n’aiment pas aborder. C’est pourquoi, nous commençons à parler de leurs préférences à ce sujet qu’au dernier moment, lorsque bon nombre d’entre-elles et particulièrement celles atteintes d’une maladie cognitive, ne sont plus en mesure de parler en leur propre nom. Cette attitude les empêche d’être au centre de la planification de leur fin de vie.
Encourager plus tôt une planification préalable des soins, le sujet de mon projet financé par le Programme de recherche de la Société Alzheimer, est l’une des solutions à ce dilemme. Puisqu’une planification préalable des soins favorise une communication ouverte à ce sujet bien à l’avance, elle offre aux personnes atteintes d’une maladie cognitive la chance de discuter avec les membres de leur famille et les fournisseurs de soins de santé de leurs préférences pendant qu’elles en sont encore capables.
Pourquoi la planification préalable des soins est-elle si importante? Nous savons que les personnes atteintes d’une maladie cognitive bénéficient de soins en fin de vie d’assez mauvaise qualité, et beaucoup de gens ne font que deviner ce qu’elles pourraient vouloir et avoir besoin. Si elles sont atteintes d’une maladie cognitive depuis longtemps et et sont au stade avancé de la maladie, il est fort probable qu’elles ne pourront pas exprimer ce qu’elles souhaitent à ce moment.
La conversation sur la planification préalable des soins ne doit pas nécessairement faire l’objet d’une discussion au moment du diagnostic, mais elle devrait peut-être se tenir dans l’année qui suit son établissement. En s’y prenant à l’avance, une personne ayant reçu un tel diagnostic peut communiquer ce qui l’inquiète et ce qu’elle aimerait pendant qu’elle est encore capable d’articuler ses pensées et préoccupations. Elle pourrait indiquer quelque chose que les personnes qui s’occupent d’elle auraient pu autrement oublier!
En encourageant ces conversations à se tenir plus tôt, il est possible d’éliminer certains des obstacles auxquels font face les personnes atteintes d’une maladie cognitive. En leur offrant une opportunité de s’exprimer, elles peuvent se placer au centre de leurs soins en fin de vie… là où elles devraient être.
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