Le cannabis et les maladies cognitives : clarifions les choses
Tandis que le Canada s’apprête à légaliser le cannabis, on s’intéresse de plus en plus à ses avantages médicinaux potentiels, notamment à son usage à des fins thérapeutiques chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
Au cours des 10 dernières années, les scientifiques et les cliniciens ont étudié les effets des cannabinoïdes, les composés chimiques que l’on trouve dans la plante de cannabis, qui lui confèrent ses propriétés médicinales et récréatives. Ils ont notamment étudié si les cannabinoïdes pouvaient réduire l’agitation.
Nous savons que l’agitation est un changement de comportement répandu chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Et, alors que tout le monde s’accorde pour dire que l’agitation devrait d’abord être traitée en adoptant des approches non médicamenteuses, des médicaments pourraient être nécessaires pour traiter des agitations graves qui ne répondent pas aux autres approches. Des médicaments qui peuvent traiter ce type de comportement existent, mais bon nombre d’entre eux ont des effets secondaires nuisibles. En fait, les médicaments qui sont susceptibles d’être les plus efficaces peuvent souvent provoquer des AVC et même la mort.
Les cannabinoïdes, d’autre part, interagissent différemment avec le corps, ce qui signifie qu’ils pourraient être généralement plus sécuritaires et plus efficaces chez une personne agitée. On pense même que certains de leurs effets aident à diminuer la mort des cellules cérébrales.
Jusqu’à présent, seul un nombre limité d’études a permis de se pencher sur les cannabinoïdes utilisés comme traitement pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. D’autres études sont importantes, car les cannabinoïdes pourraient ne pas avoir les mêmes effets sur un cerveau touché par la maladie d’Alzheimer que sur un cerveau sain. Par exemple, bien que les cannabinoïdes puissent avoir des effets calmants sur la population en général, ils pourraient avoir des effets inverses chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
Grâce à la subvention versée par l’Alzheimer’s Drug Discovery Foundation et le Programme de recherche de la Société Alzheimer, mon équipe au Sunnybrook Research Institute a pu lancer une étude pilote pour étudier ce sujet plus en profondeur.
Nous avons recruté un certain nombre d’adultes aux stades modéré à avancé de la maladie d’Alzheimer pour un essai de 14 semaines. Nous leur avons donné un cannabinoïde synthétique, le nabilone, pour traiter l’agitation et/ou l’agressivité. Le nabilone est actuellement approuvé au Canada pour traiter les nausées provoquées par la chimiothérapie.
En comparant les effets du nabilone avec ceux d’un placébo, nous avons voulu établir si le nabilone pouvait (ou non) réduire l’agitation sans provoquer les principaux effets secondaires communs entraînés par les autres médicaments.
La douleur et la perte de poids sont également des problèmes importants chez les personnes au stade avancé de la maladie d’Alzheimer et ils sont souvent associés à l’agitation et à l’agressivité. Puisque les cannabinoïdes ont été associés à des réductions de la douleur et des améliorations de l’appétit, nous avons également mesuré les changements de ces symptômes chez les personnes ayant participé à l’essai.
Qu’avons-nous appris?
Le nabilone réduit non seulement grandement l’agitation par rapport au placébo, mais il améliore également les symptômes comportementaux de manière générale. L’effet secondaire le plus répandu que nous avons pu mettre à jour était une augmentation de la sédation. Notre prochaine étape consiste à mener un autre essai avec plus de participants pour confirmer nos résultats, en mettant particulièrement l’accent sur l’efficacité et la sécurité.
Bien que nous ayons espoir que notre étude ouvrira la voie d’études supplémentaires sur l’utilisation des cannabinoïdes à des fins de traitement des symptômes de la maladie d’Alzheimer, nous attirons aussi l’attention des médecins, des personnes atteintes d’une maladie cognitive et des familles sur la nécessité de mener plus de recherches avant de pouvoir recommander les cannabinoïdes pour traiter l’agitation. Plus d’études sont nécessaires pour reproduire nos résultats et étudier les effets secondaires anticipés associés aux cannabinoïdes, comme la sédation et la dégradation de la mémoire.
Des études supplémentaires contribueront beaucoup à faire la lumière sur les avantages et les désavantages du cannabis médical. Elles permettront en outre de soutenir des lignes directrices, des politiques et des normes éclairées. De cette manière, nous pouvons nous concentrer moins sur les tentatives à court terme visant à lutter contre le comportement, et plus sur le bien-être mental des personnes atteintes d’une maladie cognitive.
La Docteure Krista Lanctôt, PhD, est une scientifique chevronnée du programme Hurvitz Brain Sciences Research Program au Sunnybrook Health Sciences Centre (programme de recherche Hurvitz sur les sciences du cerveau au centre des sciences de la santé Sunnybrook), et professeure au Département de psychiatrie et celui de pharmacologie et de toxicologie de l’Université de Toronto. Elle a reçu une subvention (volet biomédical) dans le cadre du Programme de recherche de la Société Alzheimer pour mener une étude pilote sur les effets des cannabinoïdes pour traiter les changements comportementaux chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. La Dre Lanctôt a récemment présenté les conclusions de cette étude à l’occasion de la Conférence internationale de l’Association Alzheimer qui s’est tenue du 22 au 26 juillet à Chicago (Illinois).
Apprenez-en plus sur ce que signifie la légalisation du cannabis chez les personnes atteintes d’une maladie cognitive.